28 novembre 2013. Quelque part en Amazonie. Cette semaine, j’ai perdu 3 kilos. Encore ces maudites crampes d’estomac qui m’ont coupées l’appétit pendant plusieurs jours. Ajoutez à cela une cérémonie shamanique qui a failli virer au cauchemar… La Jungle, c’est pas le Pérou!
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Il est 6 heures du matin quand nous prenons une moto taxi pour nous rendre sur le port d’Iquitos, accompagnées de Mariuz, un Irlandais, et d’un guide. Au programme de la journée : rencontre avec la faune locale et des indigènes, puis dans la soirée, une cérémonie shamanique. Après plusieurs changements de pirogues et de rivières, nous arrivons finalement en pleine forêt, accueillis par un groupe d’enfants habillés de tutus de paille.
- - Je dois d’abord aller parler avec le chef du village, nous annonce le guide.
Après plusieurs longues minutes de négociations, nous sommes finalement invités à rejoindre le village, un peu plus encastré dans les bois. Nous ne sommes pas les premiers touristes à venir leur rendre visite mais les enfants nous regardent avec curiosité, tantôt en ricanant tantôt en nous dévisageant de leurs sombres regards. Certains parlent espagnol, d’autres seulement leur langue natale. J’en connais quelques-uns qui seraient heureux ici. Les chefs de certains villages peuvent avoir jusqu’à 15 épouses! Autant vous dire que ça grouille d’enfants. L’échange avec eux fut bref, mais captivant. Après une démonstration de tir à la sarbacane et une bénédiction par le grand chef pour apporter amour et paix dans nos vies, nous avons dû reprendre la route.
Quelques crocodiles et singes plus tard, nous sommes finalement arrivés au village où nous avons rendez-vous avec un shaman.
Ayahuasca
Nous sommes assis en cercle dans un petit cabanon au milieu de la forêt. Il fait nuit noire, je ne perçois presque pas la silhouette de Bria. Le shaman nous sert un petit gobelet d’ayahuasca, ce fameux mélange fabriqué à partir de lianes de la jungle et qui est censé vous donner des révélations sur vous-même et vous purifier. L’immonde potion avalée, nous attendons quelques temps allongées, pendant que le shaman siffle ses chants, guidant ainsi le cérémonie et notre esprit au passage.
Rien ne se passe. Nous décidons de reprendre un peu plus d’ayahusaca, que je vomis aussitôt, entrainant dans la foulée le shaman et Mariuz. Suis-je vraiment en train d’assister à un vomissement collectif? La prochaine fois que j’ai d’autres idées farfelues comme celle-là, s’il vous plait, raisonnez-moi!
Je viens d’épuiser les dernières forces qu’il me restait. Je décide de me rallonger en attendant la fin de la cérémonie (qui au passage dure environ 4 heures), sans grandes attentes. Quelques minutes s’écoulent; je commence à avoir des frissons, des sueurs. Et puis des hallucinations. J’ai conscience de ce qu’il se passe mais je ne suis plus capable de bouger. Mon esprit est en train de quitter mon corps, je suis un poids plume. Ma tête, elle, est un véritable fouillis, un condensé d’images qui n’a pas vraiment de sens. Mais finalement, je me sens plutôt bien. Combien de temps suis-je restée dans cet état? Impossible de vous dire… peut-être 2 ou 3 heures. Des révélations sur ma vie? Zéro! Quand j’ai finalement retrouvé mes esprits, mon estomac allait mieux, c’était une bonne nouvelle. Je me suis tournée vers Bria, qui n’avait pas l’air au top, penchée sur sa bassine en attendant de vomir. Ça n’avait pas fonctionnait pour elle. Nous rejoignons notre cabanon pour dormir.
Quelques heures plus tard, je suis réveillée par des gémissements. Ceux de Bria. Comme une vieille grand-mère qui a dû mal à respirer, elle tente de me dire qu’elle se sent mal. Ah bon, vraiment? Je n’avais pas remarqué! J’appelle le shaman qui vient lui appliquer je ne sais quelle mixture sur son ventre. Un moment dont je me souviendrai toute ma vie :
- - J’ai peur, j’ai peur, me dit Bria.
Je me tiens à côté d’elle, mais je ne sais pas quoi faire. Ses gémissements deviennent des hurlements à faire frémir les morts-vivants, elle est comme possédée. Je suis en train de vivre une scène du film L’exorciste; je veux partir loin d’ici.
Finalement Bria s’est calmée au bout de 5 minutes et son esprit s’est apaisé.
- J’ai cru mourir, m’a-t-elle confié.
Bilan de cette expérience? Pas grand-chose de positif, si ce n’est que mon estomac va beaucoup mieux et que je suis toujours la même aventurière passionnée. Ah là là, je vois déjà gros comme une maison le sermon de mon père quand il lira ses lignes!
En tout cas, Baloo et Mowgli peuvent remballer leur bedaine et leur slip, j’en ai ma claque de la jungle! Je me tire! J’écourte mon séjour ici, et je pars demain vers la côte ouest, à Huaraz, dans la cordillère blanche. La montagne, ça vous gagne parait-il! Bria, quant à elle, poursuit sa route vers la Colombie, c’est le moment de se dire au revoir.
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eric (vendredi, 13 décembre 2013 15:37)
En quoi la polygamie génère-t-elle plus d'enfants? C'est toujours 9 mois de gestation que je sache...
BERTRAND_S (mardi, 25 février 2014 08:05)
Ah, le rêve pour certains touristes de consommer la ayahuasca ou la coca qui, pensent-ils, les feront sortir de leur corps ou passer les montagnes sans faillir. Ceci fait bien rire les Péruviens à clci près qu'ils le vendent ainsi aux candidats.
Il leur faudrait essayer le RC (rompe calzones), la chuchuhuasí, LPM (Levanta Pájaro Muerto), LZ (levantate Lázaro), SVSS (siete veces sin sacar), etc... Je laisse aux lecteurs non hispanophones le plaisir d'en trouver la traduction. Lire aussi "Pantaleón y las visitadoras" (Pantaléon et les visiteuses) de Mario Vargas LLosa, quand le capitaine de l'armée Péruvienne se déplace dans l'établissement de Madame Chuchupe.
On vend aussi des produits à base de baba de caracol (bave d'escargot). Tout ou presque figure sur la photo. Il faut aussi se souvenir qu'on ne refuse jamais ce qui est offerts par les Amérindiens de la selva. Mais sérieusement, ce sont des gens charmants. Bien cordialement, SB.