Nous sommes au Canada, en Alberta. Jasper, bourgade de 4 000 habitants, nous ouvre ses portes.1 062 mètres d’altitude, une journée ensoleillée de septembre. Le thermomètre affiche 24°C. Au Lake Louise, 230 kilomètres au sud, 0°c, il neige. « C’est comme ça dans les rocheuses » nous disent les villageois, « parfois il neige même en juillet ». Au loin quelques sommets montagneux laissent apparaître un remarquable manteau blanc, celui que l’on aime appeler « les neiges éternelles ». Le village est paisible, « bien moins touristique qu’à Banff » s’exclament souvent avec fierté les habitants.
10h. En route vers les sources thermales Miette, à une soixantaine de kilomètres de Jasper. De là part le « Skyline Sulphur trail », une randonnée réputée dure, mais offrant un panorama à vous couper le souffle. Sur la route, on y croise des mouflons canadiens sur le versant d’une montagne, scrutant de l’œil gauche les quelques touristes qui se sont arrêtés pour les observer, l’œil droit, pointé vers le sol, pour brouter les brins d’herbes ça et là parsemés. Il n’est pas rare d’apercevoir ces mouflons, parfois en travers de la route : ne les jugez pas timides. La fenêtre du véhicule ouverte, ils viendront facilement vous faire un bisou sur la joue. Par amitié ? On aimerait le croire. Pour quelques bouchées de pain ? Gagné. Et pourtant, les rangers, les pancartes et tous les prospectus vous le diront : « interdiction totale de nourrir les animaux ». Gene, ranger au Parc National de Jasper, grand brun barbu arborant l’obligatoire chapeau de cow-boy, s’est arrêté sur le bord de la route avec les touristes : « Le premier service que vous pourrez rendre aux animaux, c’est de ne pas les nourrir, sans quoi vous leur enlevez un peu de leur liberté ». Difficile de résister, mais on se contentera de les flatter quelques instants.
Arrivée aux sources thermales, le parking affiche complet, les camping-cars sont partout, même si on est loin des attroupements que l’on peut retrouver sur la côte d’Azur. La randonnée part du parking, à quelques mètres des bassins d’eau thermale. On y voit les touristes se prélasser. Tentant, mais ça sera « la récompense du randonneur » s’amuse-t-on à dire sur le parking. C’est parti pour quatre kilomètres de grimpette qui sillonnent à travers la forêt. Quelques pauses obligatoires pour reprendre son souffle, la montée est dure, parfois vertigineuse pour quelques randonneurs que l’on croise et qui ont besoin de s’accrocher à un arbre pour ne pas se perdre dans le vide. Mais elle demeure avant tout époustouflante. Les arbres disparaissent peu à peu, puis plus rien, juste le flanc de montagne, pierreux et escarpé sur les cinq cents mètres restant. En haut, on se sent fort et indétrônable, comme au sommet du monde. La vue qui nous submerge laisse apparaître d’innombrables sommets dénudés sur des kilomètres à la ronde, un panorama à 360° que l’on n’ait pas prêt d’oublier. Ici pas de neige, on n’est qu’à 2050 mètres d’altitude après tout. En contrebas, au loin, une rivière ressemblant à un mince ruisseau d’eau. Sur le versant d’à côté, un troupeau de chèvres de montagne. Encore elles, mais pas d’ours ni de grizzlis en vus. Déception pour nous, soulagement pour d’autres! C’est l’heure de la pause « lunch » après 2h30 de montée et les « chipmunks », ces écureuils terrestres, ne se laissent pas oublier, farfouillant sans gêne nos sac à provisions. Gardez l’œil ouvert.
En un claquement de doigt, l’on redescend au point de départ, les sources thermales. Sur le chemin du retour, on y croise des randonneurs essoufflés tentant de laisser échapper de leur bouche un rapide « C’est encore loin ? », impression d’avoir déjà vécu cette scène ! Sourire sarcastique.
Maillot de bain, lunettes de soleil et serviettes en poche, il est temps de se prélasser dans un bain naturel pour quelques dollars seulement. Ici, l’eau des sources minérales naturelles émerge des montagnes à 54 °C. Elle est ensuite refroidie à une température confortable de 40 °C avant d’entrer dans la piscine des sources thermales. Pas la peine de vous décrire cette sensation de bien-être qui vous envahit après 3h30 de randonnée. Le retour à Jasper se fait silencieux, rempli de plénitude.
Retrouvez des photos des Rocheuses ici
Écrire commentaire